Dyscalculie : comprendre et accompagner vos élèves.

La dyscalculie est un trouble de l’apprentissage qui affecte la logique, la représentation du nombre et les opérations mathématiques. Elle se caractérise par des difficultés durables, indépendantes du niveau d’intelligence. Comment se manifeste-t-elle en classe et quelles sont ses conséquences ?

La dyscalculie concerne les troubles spécifiques de l’apprentissage du calcul et du raisonnement logique ainsi que des difficultés dans l’acquisition de l’arithmétique et des compétences logico-mathématiques. La scolarisation d’un élève dyscalculique nécessite toujours la mise en place d’aménagements pour les aider au mieux possible, mais il est simple d’identifier ses difficultés et de trouver un moyen de compensation adéquat.

Dans cet article, nous commencerons par définir le trouble de la dyscalculie, puis nous mesurerons ses conséquences en classe et enfin nous vous proposerons des aides afin de faciliter l’apprentissage pour les élèves porteurs de ce trouble.

Françoise Clairet et Emilie Martin, orthophonistes, spécialistes des difficultés d’apprentissage et autrices de Accompagner Les Elèves Dys-férents pour Hachette Education, partagent leur expérience, vous donnent des pistes de réflexion et des outils concrets.

Cet article fait partie d’une série consacrée aux troubles de l’apprentissage. Il ne vise pas à permettre aux enseignants d’établir un diagnostic, mais à leur apporter un maximum d’informations sur ces troubles, leurs impacts et les adaptations possibles pour accompagner les élèves concernés. Pour aller plus loin, retrouvez également Françoise Clairet et Émilie Martin dans ce webinaire dédié à la dyscalculie.

La dyscalculie : définition et symptômes.

La dyscalculie est un trouble spécifique de l’apprentissage affectant le domaine de la logique, de la construction du nombre et des opérations mathématiques, chez un sujet normalement intelligent suffisamment stimulé au niveau cognitif. C'est un trouble durable et les sujets dyscalculiques restent décalés par rapport à la norme, même s'ils progressent.

Elle se distingue également par un certain nombre de particularités, avec des difficultés à la fois au niveau des représentations analogiques, verbales et symboliques.

La représentation analogique correspond à l’estimation des quantités, la représentation verbale est la mise en correspondance d’un nombre oral et d’une quantité, et la représentation symbolique correspond aux différentes formes qui peuvent représenter une quantité (chiffres romains, additions, etc.).

Les différents types de dyscalculie.

On distingue les dyscalculiques primaires qui préexistent aux apprentissages, et les dyscalculiques secondaires, qui résultent d'autres troubles spécifiques, comme la dyspraxie ou la dysphasie. Dans 98 % des cas, la dyscalculie est secondaire à un trouble spécifique.

Dans le cas d'une dyscalculie secondaire à une dysphasie, on parle de dyscalculie linguistique. L’élève rencontrera alors des difficultés au niveau de la classification et de la mémorisation de la chaîne numérique, ainsi qu’un accès à un vocabulaire spécifique difficile.

Dans le cas d'une dyscalculie secondaire à une dyspraxie, on aura alors une dyscalculie visuo-practo-spatiale, avec des difficultés au niveau visuel, au niveau praxique (moteur) et au niveau de l'espace. Il y a alors des conséquences sur la sériation, des difficultés dans la correspondance terme à terme, ainsi que des difficultés pour compter avec les doigts. Il y a aussi des difficultés au niveau spatial, qui entraîneront des difficultés d'acquisition de la numération positionnelle, avec des confusions, et puis des difficultés dans le déroulement temporel des problèmes, ainsi qu’en géométrie avec l'utilisation des outils.

Lorsque la dyscalculie est secondaire à un trouble de l'attention ou un trouble des fonctions exécutives, on parlera de dyscalculie attentionnelle, avec des difficultés de dénombrement. L’élève rencontrera également des difficultés à gérer les étapes dans le calcul et dans les problèmes. Il y aura aussi un trouble de la stratégie ainsi qu’un manque d'ajustement de la vraisemblance du résultat dans les problèmes.

Enfin, on parle de dyscalculie mnésique quand elle est secondaire à une dyslexie, notamment avec des difficultés de mémoire de travail. Ce seront alors les stratégies de comptage qui vont être touchées, le calcul mental et la gestion des différentes informations dans la résolution de problème. L’élève aura aussi des difficultés à mémoriser les tables de multiplication.

Les impacts de la dyscalculie sur l'apprentissage.

Les domaines affectés par la dyscalculie sont la logique, le traitement numérique, le calcul et le sens du nombre.

Les difficultés au niveau de la logique.

Les élèves dyscalculiques ont souvent du mal à construire les différentes conservations du nombre, car ils sont leurrés par la disposition ou la taille des éléments. Dans l’exemple ci-dessous, un élève dyscalculique pourrait penser qu’il y a plus d’étoiles sur la deuxième ligne, comme celle-ci est plus grande.

Les élèves vont aussi avoir du mal à classifier des éléments et à les organiser en fonction d’un critère. Ils arriveront à regrouper ceux qui sont strictement identiques, mais n’arriveront pas à distinguer un critère précis de classification, comme une couleur ou une forme. Ils vont aussi avoir des difficultés au niveau de la combinatoire, c’est-à-dire à envisager simultanément deux critères de classification (ce qui revient à élaborer un tableau à double entrée).

Ils vont aussi avoir des difficultés au niveau de la sériation, donc dans la classification d’éléments du plus petit au plus grand, de même pour classer des chiffres par ordre croissant ou décroissant.

Enfin, au niveau de la logique, ils auront du mal à concevoir l’inclusion, c’est-à-dire à inclure un élément dans un groupe. Par exemple, l’élève n’arrivera pas à dire que la classe des pommes est incluse dans la classe des fruits.

Les difficultés dans le domaine du traitement numérique

Au niveau analogique, les élèves vont avoir des difficultés à se représenter les quantités, à les estimer et à les reconnaître immédiatement.

Quand c'est le niveau verbal qui est touché, il entraîne des difficultés de dénombrement et de mémorisation de la comptine numérique, avec en particulier des difficultés à appréhender les différentes irrégularités dans les chiffres (telles que 10 – 11 – 12).

Quand c'est le niveau symbolique qui est affecté, on peut observer des difficultés à lire les chiffres et les nombres, à les transcrire, à passer de l'oral à l'écrit.

Les difficultés concernant le calcul

Les difficultés au niveau analogique entraînent une mauvaise compréhension des calculs de base qui sont en général acquis très tôt, notamment la notion d’addition et de soustraction.

Des difficultés au niveau verbal entraînent une mémorisation difficile des tables, que ce soit les tables d'addition, de soustraction, de multiplication ou de division.

Quand les procédures de calcul sont atteintes au niveau symbolique, cela entraîne des difficultés à poser un calcul par écrit et à poser des opérations.

Les difficultés rencontrées avec le sens du nombre

Il peut être atteint au niveau analogique et entraîner des difficultés à estimer et comparer des quantités, ou au niveau symbolique, ce qui affecte la compréhension de ce qu’est un nombre, avec en particulier la mise en relation du symbole et de la quantité.

Comment aider un élève dyscalculique ?

Quelles aides pour quelle dyscalculie ?

La dyscalculie étant la plupart du temps secondaire à un trouble initial, les aides qui pourront être proposées ou apportées ne seront pas les mêmes en fonction de celui-ci.

Si la dyscalculie est secondaire à des troubles du langage oral, on favorisera l'apprentissage au travers de supports visuels clairs et colorés, et on favorisera les manipulations qui permettront de mettre du sens sur les apprentissages numériques.

Si la dyscalculie est secondaire à des troubles praxiques, il sera dans ce cas plus intéressant de passer par le verbal, car c'est un point d'appui très utile pour les enfants dyspraxiques.

Si la dyscalculie est secondaire à des troubles attentionnels ou mnésiques, il s'agira alors d'éviter les consignes multiples, de verbaliser et de schématiser les différentes étapes nécessaires à la résolution du problème, tout en proposant des supports d'aide à la mémorisation.

Faciliter la lecture et l’écriture des nombres.

Aides verbales :

Un élève dyscalculique aura tendance à écrire 3257, « 3 000 – 200 – 50 – 7 ». On peut alors utiliser la méthode des familles en lui disant de ne pas écrire le nom des familles (mille, cent, etc.).

Aides visuelles :

On peut aussi préparer des aides visuelles avec des bandes de superpositions :

Comparer les nombres.

Aides visuelles.

La comparaison des nombres est souvent difficile en raison de difficultés liées à la sériation et à l’utilisation des signes > et <. Il peut alors être pertinent de proposer des supports qui permettent de visualiser la ligne numérique à l’aide d’une bande:

Aides verbales.

On utilisera ici aussi la métaphore des familles pour indiquer qu’il convient d’abord de comparer la famille des « 1 000 » puis celle des « 100 » pour comparer deux nombres.

Réussir les opérations mathématiques.

Aides verbales.

Pour aider les élèves à réaliser des opérations, on peut transformer le calcul en histoire. Par exemple, expliquer que pour faire 7+4, on prend le chiffre 7, on lui rajoute 4 et on compte combien cela fait au total.

On peut aussi choisir de verbaliser l’opération à partir de situations concrètes, comme avec un sac de billes : j’ai 3 billes dans mon sac, j’en donne deux à mon ami, à quelle opération cette histoire correspond-elle ? Combien est-ce qu’il me reste de billes dans mon sac ?

Ces histoires peuvent aussi les aider à réaliser des images mentales. Afin de les aider à mieux se projeter, il faut utiliser des petites quantités afin de favoriser la perception analogique et éviter d’avoir à dénombrer.

Il est également important de varier son vocabulaire et de ne pas seulement utiliser « j’ajoute » ou « j’enlève », car l’élève dyscalculique peut parfois empêcher la compréhension de l’opération réalisée. Les élèves vont associer le verbe « ajouter » avec l’addition par automatisme, mais ne vont pas réellement comprendre ce qu’est une addition.

Méthode adaptée à la résolution de problèmes.

Les élèves porteurs de dyscalculie secondaire à un trouble du langage oral peuvent être gênés par des problèmes de compréhension verbale, notamment car ils ont des difficultés au niveau du lexique et de la syntaxe.

Il sera alors souvent utile et aidant de passer par une schématisation de la situation d’un problème en détaillant les différentes étapes.

On commencera d’abord par donner des situations très concrètes, proches du quotidien, dans lesquelles on peut manipuler des objets réels.

Puis, on va évoluer vers des situations qu’on peut schématiser avec des images ou des dessins. Cela permet la construction d’une procédure d’organisation et puis l’élaboration d’une planification qui pourra être réutilisée lors de la résolution de situations plus abstraites.

Exemple de progression :

On donne à l’élève des problèmes à résoudre avec ses objets du quotidien : des peluches, des jouets, etc. Pour cet exercice, la progression se fait en 5 niveaux.

Niveau 1 : la manipulation d’objet.

La première étape va donc consister à sélectionner le matériel nécessaire à la résolution du problème, puis l’élève va réaliser les manipulations qui correspondent au problème. On va ensuite lui demander de verbaliser les opérations qui correspondent aux questions, puis de réaliser les calculs.

On va par la suite lui demander de vérifier si sa manipulation a donné les mêmes résultats.

Niveau 2 : représentation symbolique avec des cartes images.

Ici, on donne à l’élève des cartes images qui représentent chacune un élément du problème, puis on répète l’exercice.

Niveau 3 : représentation à l’aide de dessins

Dans ce cas-là, on demande à l’élève de dessiner toutes les étapes du problème une par une.

Niveau 4 : représentation mentale.

Pour ce niveau, on va lire le problème à haute voix aux élèves tout en leur demandant de fermer les yeux. Cela leur permet d’éviter la situation de double tâche, ainsi que la précipitation sur les données numériques, que l’on rencontre notamment souvent pour les dyscalculies secondaires à un trouble intentionnel.

Niveau 5 : Résolution du problème en autonomie.

Dans ce niveau, c’est à l’élève de choisir la méthode qui lui correspond le mieux et de déterminer ce dont ils ont besoin pour résoudre le problème en autonomie.

 

Aménagements en classe pour les élèves dyscalculiques

Adapter les supports

Pour les dyscalculies en lien avec une dyspraxie :

  • Utiliser des mains mobiles pour compenser les difficultés de comptage sur les doigts.
  • La mise en couleur pour repérer les unités, les dizaines, les centaines, etc.
  • Mettre à disposition les tables d’additions et de division afin d’éviter la double tâche.
  • Favoriser les réponses à l’oral.

 

Pour les dyscalculies sans difficultés visuomotrices et praxiques :

  • Favoriser la manipulation des objets ainsi que la représentation visuelle.
  • Encourager le comptage sur les doigts pour donner du sens au nombre.
  • Proposer le nombre dans ses 3 formes pour favoriser la construction de la correspondance des formes (analogique, verbale, symbolique) car une des difficultés pour l’élève est d’associer une forme du nombre à une autre.

 

Aides communes à tous les troubles :

  • Réduire la quantité : comme dans tous les troubles spécifiques, une lenteur est associée à la dyspraxie. L’effort souvent mis en œuvre pour compenser les difficultés entraine une fatigabilité importante et il est alors important d’adapter la quantité d’item par exercice.
  • Mettre à disposition des calculatrices ou les tables de multiplication et d’addition afin d’éviter les doubles tâches.
  • Aider à s’organiser : donner les tâches une par une, établir un programme et inaugurer des routines. Les élèves dyscalculiques ont souvent du mal à s’organiser dans l’espace et dans le temps.

 

Conclusion

En conclusion, la dyscalculie est un trouble de l’apprentissage complexe qui nécessite une prise en charge adaptée et personnalisée. Si elle peut représenter un défi au quotidien, il existe de nombreux outils et stratégies pour accompagner les élèves concernés. L’essentiel est de proposer des approches variées et adaptées aux besoins spécifiques de chaque enfant, en s’appuyant sur des aides visuelles, verbales ou manuelles. Avec une meilleure compréhension de ce trouble et des aménagements pédagogiques appropriés, il est possible de permettre aux élèves dyscalculiques de progresser sereinement et de développer leur confiance en eux face aux mathématiques.