Les élèves à haut potentiel intellectuel.

Comprendre et accompagner les élèves à haut potentiel intellectuel (HPI) est essentiel pour favoriser leur épanouissement scolaire et personnel. Leur mode d’apprentissage et leur manière d’interagir avec leur environnement nécessitent une approche adaptée, tant sur le plan pédagogique que relationnel.

Françoise Clairet et Emilie Martin, orthophonistes spécialisées dans les difficultés d’apprentissage pour Hachette Education, partagent leur expérience et vous donnent des outils concrets pour mieux répondre aux besoins de vos élèves.

Cet article s’inscrit dans une série dédiée aux troubles de l’apprentissage. L’objectif n’est pas d’aider les enseignants à poser un diagnostic mais d’apporter un maximum de connaissances sur ces différents troubles, leurs implications et les moyens de compensation à mettre en place pour les élèves concernés. Retrouvez également Françoise Clairet et Emilie Martin dans ce webinaire consacré à la question.

RECONNAITRE UN ELEVE HPI.

A l’aide du test WISC 5.

Pour évaluer l’intelligence, le test le plus fréquemment utilisé est le WISC 5. Il évalue plusieurs indices principaux, tels que l’indice de compréhension verbale ou l’indice de mémoire de travail.

L'analyse de ce test permet d'établir un profil cognitif global de l’élève et de mettre en évidence ses forces et ses faiblesses. Les résultats sont présentés en termes d'écart type, et sont répartis sur une courbe de Gauss.

La courbe de Gauss correspond à la façon dont se répartit une population par rapport aux résultats du test. C’est avec un résultat au-dessus de 130 qu’on va pouvoir évoquer un haut potentiel, bien que celui-ci seul ne suffise pas.

Sur le plan intellectuel.

Les forces

Capacités hors normes dès la naissance, avec un cerveau très connecté.

Excellente observation, vivacité, réactivité et centres d’intérêt variés, parfois atypiques.

Apprentissage autodidacte, pouvant entraîner une déception face à des contenus jugés trop simples en classe.

Perfectionnisme, excellente mémorisation et rapidité de traitement de l’information.

Grande lucidité et réalisme sur leur place dans le monde, pouvant causer des difficultés relationnelles et des angoisses.

Créativité et pensée originale pour résoudre des problèmes.

Vocabulaire étendu, aisance avec les mots et sens de l’humour développé.

Les faiblesses.

Esprit critique très développé, pouvant mener à l’intransigeance ou à l’intolérance.

Sens aigu de la justice, pouvant les amener à rejeter certaines règles qu’ils jugent infondées.

Tendance à l’autocritique, avec parfois un syndrome de l’imposteur.

Forte frustration en cas d’échec, pouvant les pousser à abandonner certaines activités jugées peu importantes.

Difficulté avec les tâches répétitives, ce qui peut impacter leurs résultats malgré leurs capacités.

Sur le plan relationnel.

Risque de solitude ou d’isolement dû à des centres d’intérêt différents des autres élèves.

Tendance à rechercher des relations avec des personnes plus âgées en raison d’une maturité intellectuelle avancée.

Dyssynchronie entre leurs compétences intellectuelles et leur gestion émotionnelle, combinant une grande logique et des réactions immatures.

Sur le plan psychomoteur.

Acquisition précoce des compétences motrices, mais difficulté à mettre leurs pensées en veille.

Énergie débordante, débit de parole rapide et troubles du sommeil.

Maladresse possible en graphisme due à un décalage entre leur vitesse de pensée et leur motricité.

Sur le plan sensoriel.

Hypersensibilités variées (visuelles, olfactives, auditives, tactiles, gustatives, ou proprioceptives).

Certaines sensations peuvent être perçues comme très désagréables, alors qu’elles semblent insignifiantes pour d’autres.

Sur le plan émotionnel.

Expression et ressenti des émotions de façon intense, qu’elles soient positives ou négatives.

Dyssynchronie entre le développement intellectuel et émotionnel, pouvant entraîner une immaturité.

Risque de troubles du comportement (troubles du sommeil, hyperactivité, anxiété et faible estime de soi, voire dépression).

Troubles associés.

Possibilité d’un autre trouble « dys » présent chez l’élève, pouvant masquer le haut potentiel.

Exigences parfois inadaptées envers ces élèves, qui peuvent être brillants dans certains domaines mais en difficulté dans d’autres (notamment s’ils ont un trouble dys).

LA PENSÉE EN ARBORESCENCE

La pensée en arborescence est fréquemment évoquée comme l'une des caractéristiques des élèves à haut potentiel. Ce type de pensée réside dans le fait qu’à partir d'une pensée initiale, de multiples idées apparaissent de façon simultanée.

Certains parlent d'une pensée foisonnante, avec une multitude de connexions neuronales existantes dans le cerveau, qui entraîne une pensée foisonnante se déployant dans plusieurs directions et s'organisant en réseau. Elle fonctionnerait par association et analogie, à partir d'une idée générale.

D’autres parlent plutôt d'une pensée rapide qui donne l'impression que plusieurs idées apparaissent simultanément. C'est une activité au cours de laquelle la pensée va vite, dans plusieurs directions à la fois, envisage tous les possibles à une situation donnée, et permet de choisir la solution la plus adaptée à un problème

DIFFÉRENCIER UN BON ÉLÈVE D’UN ÉLÈVE HPI.

Il est parfois difficile de différencier un bon élève d'un élève HPI. Voici quelques exemples qui peuvent aider à savoir si un élève est HPI ou non :

LES CONSÉQUENCES D’UN HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL.

Dans les apprentissages.

Dans les apprentissages, la scolarité des enfants HPI est simple la plupart du temps compte tenu de leur capacité, mais ce n'est pas toujours le cas :

Ils abordent l'école avec passion et ont un grand désir d'apprendre, mais ils peuvent être déçus par le contenu des apprentissages qui se révèle en deçà de leurs attentes.

Ils ont besoin d'être actifs pour apprendre : de manipuler, de se documenter, de chercher par eux-mêmes les réponses aux questions qu'ils se posent, et ne supportent pas de survoler un sujet sans l'appréhender dans sa globalité.

Ils peuvent rejeter les apprentissages arbitraires, comme l'orthographe qui peut sembler ne pas avoir de sens. Ils ont aussi du mal à détailler le déroulement de leur pensée alors qu'ils ont trouvé la réponse de façon intuitive.

Ils peuvent aussi se perdre dans leurs pensées foisonnantes et avoir du mal à garder le fil de leur raisonnement.

Certains élèves se montrent opposants à l'école, et ils peuvent être en décrochage scolaire, voire en échec.

Dans les relations avec leurs pairs.

Les relations avec les pairs sont complexes pour les enfants HPI.

Ils ont du mal à trouver des camarades qui partagent les mêmes centres d'intérêt qu’eux. Ils n'arrivent pas à se faire des amis alors qu’ils remarquent que cela a l'air facile pour les autres. Ils passent alors beaucoup de temps à analyser ce qui ne fonctionne pas sans comprendre que c'est justement parce qu’ils intellectualisent trop les relations qu'ils n'y arrivent pas.

Ils peuvent parfois être moqués en raison de leur différence.

Certains élèves HPI essaient de cacher leurs particularités pour se faire accepter par les autres.

LES AIDES AUX APPRENTISSAGES / AIDER LES ELEVES HPI

Pour soutenir la motivation.

Pour soutenir la motivation des élèves à haut potentiel, il est essentiel de proposer des activités stimulantes en complément des tâches moins engageantes, avec des objectifs ambitieux pour maintenir leur intérêt et relever un défi intellectuel.

Approfondir un enseignement : si l’élève est frustré qu’un sujet n’ait pas été vu entièrement en classe, on peut le laisser l’approfondir en autonomie.

Proposer un travail de création : on peut proposer à l’élève de créer une carte mentale ou une maquette sur un sujet qui l’intéresse.

Demander la préparation d’un exposé : on peut demander à l’élève la réalisation d’un exposé sur un sujet vu en classe ou sur l’un de ses centres d’intérêt.

Pour aider à respecter les exigences de la classe.

Verbaliser le mode de fonctionnement d’une séquence : Les élèves HPI peuvent ressentir de la frustration face à la répétition des contenus et aux questions de vérification. Il est alors utile de leur expliciter le fonctionnement d’un cours, les étapes d’apprentissages, etc. En comprenant mieux ce processus, les élèves HPI l’acceptent plus facilement.

Pour aider à apprendre à s’organiser.

Aider à structurer la pensée : Proposer des outils comme des plans, schémas ou cartes mentales peut faciliter l'organisation des idées. Il est essentiel de les guider dans l'organisation de leurs idées avant un exercice et il faut aussi leur apprendre à retravailler et réorganiser leur production.

Utiliser des protocoles : Détailler les étapes d'une tâche permet de structurer la pensée et d'éviter de se précipiter sur une réponse instinctive. En cochant chaque étape réalisée, l'élève suit un raisonnement clair.

Encourager l’usage d’un carnet : Noter les idées au fil de la réflexion aide à ne pas se laisser distraire tout en restant concentré sur la tâche en cours.

Pour aider à s’entrainer.

Pour l'acquisition du geste graphique, certains élèves ont du mal à accepter de s'entraîner à refaire tout le temps la même chose. Il peut être utile de leur dire qu’apprendre à tracer correctement les lettres va leur permettre de prendre des notes facilement et d'être relus par quelqu'un d'autre.

Pour la pratique de l'orthographe, les élèves peuvent avoir du mal à accepter les règles qui semblent arbitraires. On peut alors leur raconter l’histoire de l’orthographe afin qu’ils en comprennent mieux l’enjeu.

Pour aider à réguler les émotions

Expliquer les tempêtes émotionnelles : on peut faire prendre conscience à l’élève que certains faits ou actions déclenchent chez lui une tempête émotionnelle. On peut alors chercher avec lui ce qui la provoque pour mieux la gérer.

Apprendre à prendre du recul : il faut que l’élève apprenne à ne pas agir sous le coup de l'émotion. Pour cela, on peut proposer le support de l'écrit ou du dessin qui permet d'exprimer la tempête émotionnelle sans en subir les conséquences qui l'accompagnent.

Pour améliorer les relations sociales

Confier des missions à l’élève : cela peut être le tutorat d'un élève à besoins particuliers ou la réalisation d'un exposé sur un sujet le motivant. Ces tâches permettront à l'élève d'être occupé mais aussi d'être perçu positivement par ses camarades.

Être attentif aux moqueries : l'élève à haut potentiel, capables de repérer facilement les faiblesses des autres, peut parfois se montrer blessant. Il est également important de surveiller les moqueries dont il pourrait être la cible.

Expliquer les particularités des élèves HPI à la classe : il est aidant de mettre des mots sur les particularités de cet enfant et de son fonctionnement pour que ces camarades le comprennent mieux.

Les aménagements à mettre en place pour compenser les difficultés d’un élève HPI.

Accélérer le cursus scolaire.

Saut de classe : il est souvent proposé aux élèves HPI, surtout au CP s'ils savent déjà lire. Bien que cela puisse être une bonne option, il arrive que ce soit trop brutal, laissant de côté certains apprentissages non maîtrisés.

Décloisonnement : il est parfois proposé pour lisser l’accélération du cursus et éviter un saut de classe trop abrupt. Par exemple, un élève déjà lecteur peut commencer le CP tout en suivant la lecture ou les mathématiques avec les CE1. Cette approche permet d’adapter le rythme aux compétences de l’élève tout en respectant ses besoins.

Classes à double niveau : Organiser des classes à double niveau peut aussi permettre de mettre en place une accélération du cursus de manière plus harmonieuse que le saut de classe.

La décision d'une accélération de cursus n'est pas anodine et doit être pensée, réfléchie et discutée avec l'enfant, sa famille et l'équipe enseignante.

Aménager un cadre de travail

Installer un coin calme : cela permet de bénéficier d'un temps pour permettre aux émotions de redescendre et pour se ressourcer.

Un coin destiné au travail en autonomie : Pour assouvir les besoins de connaissances des élèves HPI, on peut installer un ordinateur ou un coin bibliothèque contenant des ouvrages ambitieux.

Adapter le contenu des apprentissages.

Exercices-défis : on peut adapter le contenu des apprentissages en proposant des exercices qui présentent une difficulté particulière. En effet, mieux vaut ne pas faire varier la quantité de travail mais plutôt la difficulté.

Quelques outils d'adaptation.

Pour les élèves:

On peut proposer des « fidgets », comme des embouts à viser et à dévisser, des cubes à manipuler ou des balles sensorielles.

Il est également très efficace de donner un carnet à l’élève afin qu’il note toutes les questions qui lui viennent durant la classe.

Pour garder le fil de la pensée et aider à terminer les exercices on peut aussi mettre en place des protocoles, c’est-à-dire faire une liste qui résume chaque étape d’une tâche à réaliser. On les utilise souvent pour des exercices, mais elles sont aussi très efficaces pour ne rien oublier quand on fait son sac par exemple.

Certains ouvrages de Sami et Julie permettent aux élèves HPI de mieux comprendre les émotions qu’ils ressentent, comme Sami est Jaloux, Sami est timide ou Sami est en Colère.

Pour les enseignants:

Des ressources culturelles :

Vice Versa est un film qui est une belle illustration du fonctionnement des émotions.

C’est Pas Sorcier évoque les émotions dans l’épisode « Joie, peur, tristesse, colère...QUE D'EMOTIONS ! »

Le livre Accompagner les élèves dys-férents de Françoise Clairet et Emilie Martin vous aidera à mieux comprendre les différents troubles de vos élèves

Des ressources informatiques :

Il existe des outils qui permettent d'enrichir les apprentissages et de proposer des activités à réaliser en autonomie, ce qui permet de gérer plus aisément les différences de rythme dans la classe et de soutenir la motivation des élèves à haut potentiel intellectuel.

Fait ton journal est un logiciel gratuit qui donne aux élèves une structure pour fabriquer leur journal avec des textes et des images.

Vikidia est l’équivalent de Wikipédia pour les enfants, qui permet d’effectuer des recherches et d’approfondir les connaissances sur un support qui est adapté aux enfants.

CONCLUSION

En conclusion, les élèves à haut potentiel intellectuel présentent des profils variés, nécessitant une prise en charge adaptée à leurs besoins. S’ils peuvent faire preuve d’une grande créativité et d’une soif d’apprendre, ils sont aussi confrontés à des défis liés à l’ennui, au décalage social ou encore à l’hypersensibilité. Il est donc essentiel que l’école, en collaboration avec les familles, mette en place des stratégies pédagogiques inclusives et stimulantes, afin de leur permettre d’exprimer pleinement leur potentiel.