Les métiers de la Relation Client en lycée pro par Sylvette Rodriguès, entretien d’une passionnée !

La nouvelle famille des métiers de la Relation Client soulève quelques interrogations quant à sa mise en œuvre en termes de nouveaux programmes : compétences, savoir-faire associés, apprentissage spiralaire, entrée dans le cours par une activité contextualisée… Je vous propose aujourd’hui un petit entretien avec Mme Sylvette Rodriguès, IEN en Economie Gestion qui évoque non seulement la nouvelle famille des métiers de la Relation Client mais qui nous parle aussi de sa passion pour l’enseignement et ses élèves.   "Je travaille avec les enseignants et pour les élèves, on va tous dans la même direction avec passion et j’adore ça ! "

Dites-m’en un petit peu plus, qui êtes-vous ? 

Je suis un inspecteur de l’Education Nationale, un inspecteur avec de l’expérience si je puis le dire comme ça, en tous cas avec de l’ancienneté. J’ai commencé mes missions d’inspecteur en 1990 et je suis spécialisée dans les filières vente, logistique, transports, sécurité mais pour ce qui nous concerne aujourd’hui, la vente. 

 

Qu’est-ce qui change avec cette réforme en quelques mots ? 

Par rapport aux 3 Bacs Pro qui existaient dans le domaine du tertiaire commercial, c’est-à-dire on avait un Bac Pro Commerce, un Bac Pro Vente et un Bac Pro Accueil, on a déjà une réduction à 2 baccalauréats professionnels dont 1 avec 2 options (Bac Pro Métiers du Commerce et de la Vente) où il y a deux options qui correspondent à de l’animation quand il s’agit de la filière Commerce d’origine et de la prospection et mise en valeur de produits quand il s’agit de l’option B de ce baccalauréat. 

Donc on a effectivement revu les contenus mais on a aussi reconfiguré l’ensemble du paysage des Bac Pro dans le domaine du tertiaire commercial. 

 

Pour le coup, c’est beaucoup plus en phase avec une réalité d’aujourd’hui ? 

Oui, vous avez tout à fait raison. En termes de lisibilité pour les enseignants et les familles les intitulés ont été revus, notamment ont été éclaircis avec les deux options. On s’aperçoit de toute façon que « vendre » que l’on soit en option A ou B, ça répond toujours aux mêmes critères ou aux mêmes phases de découverte des besoins ou de découverte du client, donc cela reste de la Vente.

Dans ce baccalauréat à deux options on a 4 groupes de compétences, 3 communs aux 2 options et 1 qui spécialise l’apprenant qui va se diriger soit vers de l’unité commerciale, la gestion de rayons, l’animation soit vers de la prospection. 

 

Comment accompagnez-vous les enseignants ? Comment les rassurer ? 

Sur le terrain, on les accompagne. Un inspecteur les accompagne forcément et on leur montre que finalement ils se sont au fil du temps spécialisés eux-mêmes, mais que pour autant ils font le même métier. L’approche dans laquelle l’enseignant ne sera pas spécialisé ne peut être qu’un plus pour l’élève qui ne verra pas « celui-là prof de vente, celui-là prof de commerce. » et même dans la répartition des services dans un établissement, c’est important de savoir à un moment donné que cette personne là peut en remplacer une autre. Ce n’est pas parce qu’elle n’a fait que de la Vente qu’elle ne va pas pouvoir être interchangeable. Avant l’élève ne comprenait pas, il disait : « il y a Vente, il y a Commerce, et moi je dois connaître les deux. » Maintenant, il va avoir en face de lui des enseignants qui maitrisent les deux et ça ne peut être que formateur et positif, pas de spécialisation des enseignants c’est plus riche. 

Cette spécialisation, elle se faisait aussi par rapport au Bac Accueil, on avait des spécialistes de l’Accueil. Le Bac Accueil relève de la filière Vente donc un professeur qui enseigne en Commerce Vente option A ou B, peut aussi appréhender le Bac Métier de l’Accueil. Ça, c’est important aussi. 

Ce n’est qu’en classe de seconde qu’on a une famille de métiers de la relation client où un élève doit appréhender les 3 types de filières, donc si lui est à même de découvrir ce que c’est et d’appréhender les compétences du Bac Commerce Vente avec l’option A, l’option option B et l’Accueil, l’enseignant aussi doit être capable d’enseigner dans les 3. 

 

On travaille un peu en spiralaire… Qu’est-ce que c’est exactement ? 

Je suis très contente qu’on aborde l’approche spiralaire. L’approche spiralaire c’est le fait d’aborder une compétence plusieurs fois sur le cycle de compétences, mais pas plusieurs fois pour correspondre au vieil adage qui dit que la pédagogie, c’est l’art de la répétition, non. C’est pour aborder une compétence, l’appréhender avec des élèves dans une situation simple et pour au fur et à mesure du cycle de formation appréhender toujours cette même compétence mais dans des contextes professionnels de plus en plus complexes et on approfondit.

Un exemple c’est la gestion des clients. Quand on a un client gentil qui vient reporter son petit article qu’il a acheté et qui vient s’excuser presque, c’est facile. Quand on a un client mécontent, qui râle et qui fait un scandale dans le magasin, il faut apprendre à le gérer. Pour autant, c’est toujours la même compétence et donc c’est vrai qu’un élève qui sort de 3ème on ne va pas déjà lui demander d’appréhender ce client difficile qui va tout casser dans le magasin. C’est quelque chose qui s’acquiert petit à petit.

Comment peut-on amener les élèves à s’auto-évaluer et à faire un bilan de compétences ? 

La première phase de base c’est « Je fais une synthèse et je revois ce que je viens de voir en cours. » si je suis enseignant. Pour moi, un bilan de compétences, cela va au-delà. C’est-à-dire, que l’élève va travailler son chapitre, les compétences, les connaissances qui nourrissent les compétences et il va faire les exercices pour vérifier qu’il a bien acquis les choses ; mais un bilan c’est se dire : « Bon, finalement, j’ai fini mon étude, qu’est-ce qui me reste ? Qu’est-ce que j’ai retenu ? Qu’est-ce que j’ai acquis comme compétences ? Quelles compétences je vais pouvoir mettre en application si je vais en Période de Formation en Milieu Professionnel (PFMP) ? Quelles compétences je vais pouvoir développer si je fais un job d’été ? » Pour moi on aura fait un grand pas, c’est-à-dire que l’élève se sera approprié la compétence correspondance. On n’aura pas fait que de vérifier qu’il a bien retenu la connaissance le savoir qui correspond qu’a nourri telle compétence etc. Lui-même fera son propre bilan.

En lycée professionnel pour mobiliser l’attention des élèves et les mettre au travail, il faut qu’on soit concret. C’est la raison pour laquelle quand on construit des séquences, on les place dans un milieu professionnel. On ne leur dit pas « Vous allez calculer le chiffre d’affaires. », on va les placer dans un contexte professionnel où ils auront un statut particulier et où on leur demandera de faire un certain nombre de choses accompagné ou non d’un tuteur, d’un collègue etc. mais des choses concrètes. D’ailleurs on travaille qu’avec des enseignes connues, moins connues. Il faut qu’ils découvrent le panorama du milieu professionnel dans lequel ils sont censés évoluer plus tard. 

 

Vous parlez avec passion de votre métier, des enseignants et aussi des apprenants qui font des choses extraordinaires. Vous nous en avez parlé avec l’entreprise Queur… 

Oui, c’est une start-up, qui a été créée par deux élèves d’une des auteures du manuel, deux élèves qui étaient en Bac Vente à l’époque. C'est une start-up avec des supports connectés notamment pour les motards qui sont sujets à accidents, encore plus que les automobilistes car ils ne sont pas protégés extérieurement; donc ils ont créé des applications soit sur le casque, soit sur la montre sur lesquels on peut retrouver le groupe sanguin, tout ce qui peut concourir à les aider en cas d’accident grave. C’est beau quand même pour des élèves… certains diraient « qui n’ont qu’un baccalauréat professionnel Vente » mais ils étaient fiers ces deux garçons qu’on vienne les solliciter, de montrer ce qu’ils font, d’être dans un manuel scolaire, c’est quand même merveilleux ! 

C’est un très beau message pour tous les enseignants et tous les élèves qui arrivent en milieu professionnel et qui viennent un peu cassés du collège, où on ne leur a pas toujours facilité les choses. Nous, notre mission en lycée professionnel c’est de les réconcilier avec l’enseignement pour qu’ils ne sortent pas du système scolaire sans qualification et on sait bien faire !