Faire aimer la STMG : Delphine Lahaye

Lancement: mars 2022
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Dans ce deuxième épisode du podcast Vocation : auteur, Delphine Lahaye vous fait découvrir les réalités d'une filière technologique peu connue : la filière STMG. Quelles sont les difficultés des enseignants ? Quelles sont leurs victoires ? Comment motiver ses élèves ?

Présenté par Pascale Joly, déléguée pédagogique Hachette Education
Langue : français (France)
Fréquence : un épisode tous les deux mois

Le podcast Vocation : auteur est né d'une volonté de vous faire découvrir les coulisses des créations de nos ouvrages scolaires, ainsi que la vie d'un enseignant-auteur. Au fil des épisodes, explorez les dessous de vos manuels, de la conception au livre papier que vous avez entre les mains.

Afin de vous immerger dans la filière STMG, Pascale Joly s'est entretenue avec Delphine Lahaye, professeure de STMG dans l'académie de Reims et auteure de la collection Objectif Bac. Elle nous explique les différentes facettes de son métier d'enseignante-auteure et ce que ça signifie réellement d'être professeure de STMG en lycée technologique.

Ce deuxième épisode de notre podcast Vocation : auteur est aussi disponible sur toutes les plateformes de streaming

Pascale Joly : Pour introduire ce podcast, je vous ai demandé de choisir un extrait musical. Pourquoi avoir choisi ce morceau ?

Delphine Lahaye : Pour plusieurs raisons : cet extrait musical (Le Printemps, concerto d'Antonio Vivaldi, Musici di San Marco, Alberto Lizzio) alterne des moments d'euphorie, de calme mais aussi un peu de stress, un petit peu de danger et il me faisait penser tout simplement à la période particulière qu'est l’adolescence.

Ça c'est une première raison. Deuxième raison : c'est le titre de ce concerto de Vivaldi, qui s’appelle le Printemps. Je trouvais que c’était une jolie analogie avec les élèves qui ont entre 16 et 18 ans pour les miens et qui sont à l'aube de leur vie - le printemps, tout est possible. Le monde s’ouvre à eux et je trouvais que c'était sympa.

PJ : Belle image. Parlons un peu de votre métier : vous enseignez depuis 14 ans - depuis 2008 - qu'est ce qui a suscité chez vous cette vocation d'enseignante ?

DL : Au début, je ne voulais pas être enseignante : je voulais avoir une boutique, un petit magasin, j'aurais adoré avoir une librairie – donc déjà l’amour des livres quand même... Et au fur et à mesure de mon collège, j'ai été orienté vers une filière : la filière STT, aujourd’hui STMG. J'y ai découvert des matières passionnantes en lien avec le commerce, la gestion, le droit, l'économie, le monde de l'entreprise. J'ai aussi fait la rencontre de professeurs qui ont été d'une gentillesse, d'une bienveillance, d'un amour de la transmission telles que je me suis dit qu'un jour peut-être, moi aussi – éventuellement parce que c'était pas du tout une vocation chez moi – j'aimerais bien susciter cette passion chez certains élèves.

PJ : Est-ce que vous vous souvenez de l'élève que vous étiez ?

DL : Oh là ! Cela dépend des périodes. Si on fait de manière chronologique, en primaire j'étais une petite élève passionnée par tout – tout était intéressant. Enfin, la vie est intéressante donc, j'aimais bien tout : le Français, l’Histoire... Bon, les mathématiques, j'avais un peu du mal à comprendre, j'étais un peu plus lente que les autres je crois. Mais ce n'est pas grave, tout était intéressant. Au collège, c'était plus dur à cause du rythme qui changeait. Moi, je sortais d'une école primaire assez familiale, et j'arrivais dans un collège où il fallait changer de salle, changer de professeur... C'était un peu trop effréné pour moi, en quelque sorte. C'était un rythme auquel j'ai eu du mal à m’habituer. Des difficultés ont commencé à arriver aussi dans certaines matières. Dans d'autres matières, j'avais l'impression de m'ennuyer. C'était un petit peu un mélange de tout ça.

C'était une période difficile comme c’est le cas pour beaucoup. Il manquait peut-être justement de trouver un enseignement différent et qui me correspondait plus – parce qu’il n’y en a pas qu’un. Il n’y a pas que des filières générales, il y en a plein d’autres. Du moment qu'on rencontre sa filière, tout va bien. D'ailleurs, le lycée, ça a été une révélation.

PJ : Quel est, Delphine, votre livre préféré, celui qui vous a le plus marqué et pour quelle raison ? Vous qui aimez les livres !

DL : Cela va vous faire rire je pense. C’est Au bonheur des dames !  C’est un livre que j'ai dû lire en classe de 3e en Français - et il est difficile à appréhender. Parce que c’est Émile Zola, naturaliste, avec moult détails sur comment était fait un étalage de foulards par exemple... C’était assez compliqué, assez dense. Mais quand je me suis mise dedans, c'était passionnant ! La rencontre des grands magasins, l’univers - à l’époque en plus, parce qu’on rentre dans l’histoire, on rentre dans le siècle. C’était passionnant. Je découvrais déjà des petites techniques marketing intéressantes. Une vraie révélation. Et quand j'ai refermé livre, une vraie tristesse parce que je quittais tout un monde, je me suis dit : ce n’est pas grave, c’est un monde que je retrouverai bientôt.

PJ : Et c'est un livre que vous faites lire à vos élèves en début d'année ?

DL : Oui, le premier jour je leur dis que s'ils veulent faire du commerce, c'est un livre à lire.

 

PJ : Très bien. Qu’avez-vous le plus à cœur de transmettre à vos élèves à travers votre enseignement – les valeurs, l'empreinte que vous souhaiteriez leur laisser ?

DL : Il y a plusieurs choses – on va faire court. En premier, et comme beaucoup de professeurs je pense, c'est la confiance en euxBeaucoup d'élèves arrivent avec un déficit de confiance et pour moi ce n'est pas possible. Ce ne sont que des potentiels, il faut donc qu'ils s'en rendent compte. C'est très important parce que derrière il y a aussi autre chose que je voudrais leur transmettre : s’il vous plaît, ayez de l’ambition !

PJ : Et donc ça, vous ne pouvez le transmettre que si le socle de la confiance est établi.

DL : Tout à fait. C'est vraiment un cheminement sur la première année, la 2e année et en terminale, donc vraiment on essaie avec tous. Pour vous donner un exemple concret, j'ai eu un rendez-vous avec un élève dernièrement et je lui ai fait comprendre que réussir dans la vie, ce n'était pas une honte.

Ce sont vraiment des petites choses sur lesquelles nous, en tant que professeur, avons un problème à jouer, c'est très important. Ensuite – et cela va avec – c'est la valeur travail. Il faut avoir le goût de l’effort, c’est indispensable ! Et puis quelle satisfaction quand on travaille et qu’on réussit - ils arrivent à avoir ce goût de l’effort au fur et à mesure, mais ce n’est pas gagné au début.

PJ : Vous parliez d'ambition ; qui n'est pas un gros mot effectivement, et du désir que vos élèves soient ambitieux.

DL : Oui, pour qu’ils aient la vie qu’ils veulent, surtout. Et autre chose – rien à voir – mais leur faire comprendre que la vie est belle. On va prendre du recul, on va dédramatiser, on va sourire à la vie, on va avoir beaucoup de rires.

La vie n’est pas obligatoirement triste, et l’enseignement non plus. De toute manière, quand on apprend, il faut le faire par plaisir, ça va avec !

PJ : Merci Delphine. Est-ce que vous avez une victoire particulière avec un élève que vous voudriez me raconter ? Dans votre carrière ?

DL : Déjà, ce ne sont pas mes victoires, ça va être obligatoirement leurs victoires parce que ce sont eux qui font tout. Nous, on accompagne, point. Des victoires, j'en ai tous les jours, que les choses soient claires. Quand je les accueille et qu’ils me sourient, me disent bonjour, s'installent, sortent leurs affaires, enlèvent leurs manteaux – oui, tous ne le font pas ! C'est déjà bien et c'est déjà énorme pour moi. Quand ils participent aussi... Ce sont plein de petites victoires au quotidien et c'est ce qui fait la richesse du métier. Pour pouvoir les voir, il faut voir leur sourire à chaque fois qu'ils font quelque chose.

PJ : Un sourire que vous avez, vous aussi.

DL : Toujours, oui ! Mais pour être plus précise, si je ne devais me souvenir que d'une seule victoire, ce serait ce souvenir d'un élève - un élève qui était brillant... Mais qui, par contre, ne le savait pas.

C'est un élève qui, pour vous retracer rapidement l'histoire, est arrivé en STMG après beaucoup d'échecs, après une première générale - puisqu’à l'époque, c'était comme cela qu’on la nommait – qui avait été catastrophique. Il arrivait vraiment par dépit, sans motivation, sans ambition, parce qu’il fallait être là. Au fur et à mesure de l'année, je me suis rendu compte, au travers de ses interventions orales et de ses écrits, qu'il était très fin dans son analyse, dans sa compréhension. Alors je lui disais : tu peux y arriver, si tu travailles, tu peux y arriver. Et je lui parlais déjà, alors qu'avec son dossier on en était à des années lumières, de cette possibilité de la classe préparatoire spéciale STMG, de la nécessité d’avoir cette ambition. L'année de Première s’est finie, il est allé en Terminale. Il a dû avoir la révélation cette année-là parce qu'il a fait le choix – on avait encore ce choix à l’époque - d’échouer au baccalauréat. Il a échoué à tous ses examens pour justement refaire une terminale et avoir un bon dossier. Un choix très courageux, parce que le baccalauréat reste un examen, il aurait pu ne pas l’avoir après.

En 2e année de terminale, je suis toujours sa professeure, j'étais même sa professeure principale. Le premier jour, à la fin de la distribution traditionnelle des documents administratifs – Je le revois venir vers moi – il me dit : je veux aller en classe prépa.

PJ : Quelle victoire, de votre part aussi, d'avoir cru en lui.

DL : Je me suis dit enfin, enfin ! il se respecte. C'est important. C'était tellement évident qu'il en était capable. Et je lui ai dit : Ok on y va, et on va y arriver. Tu suis bien les conseils et tout se passera bien !

PJ : Et qu’est-ce qu’il s’est passé ?

DL : La classe prépa a été un succès, son école de commerce aussi. Et puis maintenant il a un très bon travail, il est très heureux.
PJ : Beaucoup grâce à vous quand même, vous l'avez beaucoup soutenu.

PJ : Alors quelles sont les pratiques pédagogiques que vous mettez en place dans votre classe avec vos élèves ?

Rien de révolutionnaire par rapport à mes collègues, ça, c'est évident.  Je veux faire attention à toujours varier les pratiques pour éviter la monotonie : donc du travail en individuel, en duo, en groupe. On alterne parce que chacun a son objectif, donc c'est parfait. Je les fais beaucoup travailler sur des dossiers d'organisation avec une problématique qu’ils doivent résoudre comme des managers.

Ils adorent, ils aiment se mettre dans la peau d'un manager. Et cela leur permet de savoir s'ils ont envie de l'être.

PJ : C'est déjà une petite aide à l'orientation.

DL : Tout à fait, parce que nous, professeurs, avons vraiment cette optique-là, que mi-janvier, en Terminale, ils fassent leur choix. Nous devons commencer cette réflexion pour eux, elle arrive tranquillement.

Ensuite je travaille beaucoup l’oral, dans cette même volonté de donner confiance : l’oral, il n’y a pas de fautes d’orthographe, il s’agit de parler. Ils vont progresser dans leur manière de parler et c’est important pour plus tard. Tu n’as pas répondu à la question ? Ce n’est pas grave, un autre va le faire, on complète. Tu as faux ? Je t’explique pourquoi. Je dédramatise beaucoup. J’ai des élèves, vous savez, qui lèvent la main et la baissent tout de suite. Je leur dis : hop on y va, on s’en fiche, parle. Et si ce n’est pas bon, ce n’est pas grave, un autre va compléter.

Autre pratique que j’adore, la sortie scolaire. Nous avons pu faire une sortie cette année, avec les Premières.

PJ : Où les avez-vous emmenés ?

DL : À la Samaritaine. Vous voyez encore le lien avec les grands magasins ? C'était juste fabuleux. Les élèves ont été ébahis par le lieu – le bâtiment magnifiquement refait qui permet de marier architecture et commerce. Ils ont été ébahis par les corners dans le grand magasin... Pour eux ce fut même trop court alors que ça ne l'est jamais ! C'était fabuleux, ils ont beaucoup aimé.

PJ : Vous faites, je crois, parfois aussi intervenir des intervenants extérieurs.

DL : C'est important de faire venir des professionnels en classe, pour montrer que ce que l'on fait va avoir un objectif, tout ce que l'on fait a un objectif concret. Je me souviens d'une intervention que j'ai organisé deux années de suite qui faisait intervenir des professionnels de chaque enseignement. Cela permettait de donner du sens aux enseignements et aux élèves de se projeter dans telle ou telle orientation.

PJ : Pour conclure, je vais vous poser une question plus personnelle, quelle est votre citation préférée et pour quelle raison l'avez-vous choisie ?

DL : J'ai beaucoup aimé cette question quand j'ai vue parce que moi-même, je commence tous mes chapitres, tous mes cours, avec une citation. Cela permet de prendre du recul, de la hauteur avec un manager ou un théoricien, j'adore. Pour ma part, j'aime beaucoup une citation de Nelson Mandela qui est : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends. » Parce que vraiment, on a tous le droit d’échouer, mais par contre il faut apprendre de ses erreurs.

Ce podcast est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

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