L'Ecole de la Sérénité avec Vincent Paré

Lancement: mars 2022
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Dans ce huitième épisode du podcast Vocation : auteur, Vincent Paré, Inspecteur et formateur en bien-être à l’école, se dévoile à travers sa passion pour la pédagogie et les contacts humains. Découvrez le parcours de vie qui se cache derrière ses ouvrages. 

Présenté par Pascale Joly, déléguée pédagogique Hachette Education
Langue : français (France)
Fréquence : un épisode tous les deux mois

Dans un contexte éducatif difficile, comment trouver sa place, avec justesse et humilité ? Acquérir la pleine conscience de soi est la première étape dans le cheminement vers l’humanisme. 

Vincent Paré a été professeur d’histoire-géographie, en collège et lycée. Aujourd’hui inspecteur de l’Education Nationale dans l’académie de Nantes, il anime des formations dédiées au bien-être à l’école. Dans ce huitième épisode du podcast Vocation : Auteur, il nous parle de sa quête de sens dans l’enseignement et des valeurs clés pour une pédagogie positive et sereine. 

Profondément humaniste, Vincent Paré croit en la magie des mots, l’empathie et la communication. A travers le récit de son cheminement vers la pleine conscience, c’est sa passion pour la pédagogie et la transmission qu’il nous conte. 

Le huitième épisode est aussi disponible sur différentes plateformes d’écoute en streaming

Pascale Joly : Bonjour Vincent. Vous avez choisi comme introduction le morceau Spiegel im Spiegel, une œuvre du compositeur estonien Arvo Pärt. Quelle est la raison de ce choix ? 

Vincent Paré : Ce choix traduit pour moi tout ce qui est la douceur et la magie du monde. C'est sur cette musique qu'une ancienne danseuse de flamenco a dansé dans la maison que j'habite aujourd'hui, qui est un ancien prieuré du XVIIe siècle où vivaient des bonnes sœurs, des moniales. Elle a dansé dans cet espace du salon, sous une charpente, telle une coque de bateau à l'envers, une charpente marine. Oui, pour moi, ça traduit toute cette douceur, cette magie du monde et cette magie portée par une musique et puis par une danseuse extraordinaire. 

PJ : Ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est la notion de cheminement personnel qui guide toute votre démarche et qui apparaît dans chacun de vos ouvrages. Quel a été votre cheminement personnel à vous, Vincent, et quel élève étiez-vous ? 

VP : En fait, c'est l'élève que j'étais qui a suscité ma vocation de pédagogue. Je n'aimais pas l'école. Clairement, je n'aimais pas l'école parce que, en fait, je n'y trouvais pas de sens. Je suis un ancien prof d'Histoire-Géo qui n'a pas aimé du tout l'Histoire-Géo à l'école, au collège surtout et au lycée. Parce que justement, j'aimais l'histoire en dehors de l'école et je ne comprenais pas pourquoi l'école me faisait détester ce que j'aimais en dehors. Je faisais beaucoup d'archéologie, j'ai été nourri au dessin animé « Il était une fois l'Homme », et je n'arrivais pas à trouver dans l'école et à l'école toute cette magie qui me faisait vibrer. Donc effectivement, ça a été cette quête de sens qui m'a animé, et puis en même temps ma difficulté à trouver ma place à l'école.  

Je dis souvent, je le répète, qu'un enfant qui ne tient pas en place, c'est un enfant à qui on ne l’a pas donnée. Et moi justement, il m’a fallu trouver ma place à l'école, pour mieux trouver ma place dans la vie. Je crois que tout mon parcours professionnel a été guidé par cette quête de place et quête de sens. C’est ce qui fait écho aussi à la définition que moi, en tout cas, je porte auprès des enseignants, de l'enseignant lui-même. Pour moi, c'est à la fois un tisseur de sens – et aujourd'hui, nos enfants, encore plus qu'hier et peut-être encore moins que demain, ont besoin de sens dans les apprentissages et de sens dans l'école pour mieux trouver leur sens dans la vie - et puis un passeur de conscience, c'est ça pour moi. C'est aussi apporter ce supplément d'âme... parce que l'information est partout. Les enfants, aujourd'hui – légitimement – peuvent penser qu'il n'y a pas besoin d'aller à l'école. Sauf que l'information étant partout, ça reste un vaste bazar dans leur tête. Donc, le rôle, pour moi, de l'enseignant, c'est de remettre de l'ordre dans le désordre de l'imagerie personnelle des enfants. D'où cette notion de tisseur de sens et de passeur de conscience. 

PJ : Une belle image. Si je comprends bien, votre vocation d'enseignant et d'inspecteur c'est d'aider les enseignants, et par là même les élèves à trouver leur place dans ce système éducatif et dans la vie aussi? 

VP : Tout à fait. J'évoque souvent l'idée qu'on apprend à utiliser des outils ou des méthodes extérieures à nous, et jamais l'usage que l'on peut faire de nous-mêmes. C’est vraiment une invitation à prendre sa part et c'est pour ça que je plaide pour une école où on apprend la vie plutôt qu'une école où on y passe sa vie, où on va préparer des concours, des examens qu'on oublie 15 jours plus tard. C'est vraiment cette dimension-là qui me semble importante : comment créer du sens, créer de l'envie, une école de l'envie. Cela fait partie de ce travail aussi de trouver sa place et son envie dans la vraie vie. 

PJ : qu'avez-vous le plus à cœur de transmettre aux enseignants et aux élèves d'aujourd'hui ? Vos valeurs, deux ou trois clés pour les accompagner dans leur enseignement ? 

VP : Alors, en termes de valeurs... la liberté dans la responsabilité, qui va se traduire après par l’idée de bienveillance haute. Cette notion de responsabilité, et de place aussi, c'est accepter qu'on ne puisse pas agir sur les autres. Vouloir changer un conjoint, changer un proche, en pure perte. C'est poser l'idée que la seule personne sur qui on va pouvoir agir, c'est soi, c'est nous. Je l’ai accepté et je l'ai compris, il n'y a pas si longtemps que ça, et ça me fait gagner énormément d'énergie. Ne pas perdre d'énergie à chercher à agir sur l'autre, ça fait gagner du temps. Mais pour ça, il faut d'abord être clair avec soi-même, et il n'y a pas si longtemps que ça que je m'entends avec moi-même. 

C’est tout ce travail-là que je cherche à transmettre aux enseignants et aux élèves. C'est ne pas être plus adulte que l'adulte, ne pas être plus parent que le parent, ne pas être plus élève que l'élève, mais prendre sa place, juste sa place. Et ce qu'on va pouvoir semer ensuite en agissant sur nous, c'est-à-dire en étant cohérents avec nous-mêmes, eh bien, on va se rendre compte que ça va bouger petit à petit. On va semer des graines : certaines poussent tout de suite, d'autres germent et prennent du temps à germer, puis d'autres, ça pourrit sur place. On accepte qu'une graine pourrie, ça ne sert à rien de l'arroser ou de la nourrir, de toute façon, elle ne poussera pas. Donc on accepte d'arroser, si je puis dire, les graines qui ont envie de pousser et puis on suscite aussi l'envie de planter. Voilà, donc c'est un peu... l'idée que je pose.  

Donc mes valeurs oui, ce sont la liberté, la responsabilité, le soutien dans une réelle empathie, une empathie bienveillante, et puis la sérénité.  

PJ : Qui vous définit tout à fait.  

VP : Je ne sais pas, mais en tout cas, après, c'est aussi un travail sur soi, en toute tranquillité, mais... justement, c'est montrer que l'adulte est un modèle de sérénité. Je trouve qu'aujourd'hui, la peur, c'est le fil conducteur de toute l'information. On pétrifie de peur les gens, et la peur n'est jamais bonne conseillère. La peur a ses raisons, que la raison ignore. C'est pour ça que, derrière la sérénité, c'est vraiment une invitation à se tranquilliser, et puis surtout à permettre d'oser faire ce saut dans l'inconnu, qui inquiète toujours. Mais c'est ce saut dans l'inconnu qui nous rend pleinement vivants. C’est cette sérénité, pétrie de liberté responsable, et puis avec cette réelle empathie bienveillante que j'ai envie de poser et de proposer. 

PJ : Vous avez publié quatre romans pédagogiques qui sont parus dans la collection Talents d'école. Dans quel esprit les avez-vous conçus ? Quel sens du coup avez-vous donné à ce projet ? 

VP : Le premier projet, le premier sens, c'est d'aider les enseignants à sortir d'une double dépendance. D’abord une dépendance à la quête de recettes extérieures à eux : ces fiches recettes qu'on nous pose et impose en imaginant qu'il suffit de suivre cette recette pour que le gâteau soit réussi. Et puis l'autre dépendance, c'est celle de la quête de regard extérieur à soi. Cette dépendance au regard de l'autre évaluateur : est-ce que j'ai raison maîtresse ? est-ce que j'ai réussi ? est-ce que je suis digne d'intérêt ? est-ce que je suis digne d'être aimé ?  

C’est de cette double dépendance que j'ai voulu proposer de sortir à travers ces quatre romans pédagogiques en pointant justement un cheminement plutôt qu'une méthode qui s'imposerait aux uns et aux autres. Donc un cheminement fait de tâtonnements, d'hésitations, d'erreurs. En fait, c'est cette invitation à oser se tromper. En toute simplicité, c'est accepter de tomber par terre, que Voltaire nous fasse un croc en jambe, c'est accepter de se mettre le nez dans le ruisseau parfois étroit, parfois profond qui est celui de la pédagogie, et poussé par Rousseau. Enfin voilà, c'est vraiment accepter d'oser et d'intégrer deux choses : un, on enseigne comme on est. Et au final, la première des richesses en pédagogie c'est soi. Et deux, justement, cette pédagogie, il faut la vivre et la penser comme l'excellence des choses simples. Or, ce n'est pas simple de faire simple. On a l'art de compliquer les choses simples, parce que simple, ça se traduit en simplisme, et simplisme, forcément, ce n'est pas digne d'intérêt. Donc il vaut mieux parler compliqué, faire compliqué, et là on a l'impression de se prendre au sérieux. Et je crois que c'est une invitation aussi à ne pas trop se prendre au sérieux. 

PJ : Pourquoi ce choix particulier d'un roman qui nous parle de pédagogie, Vincent ? 

VP : L'idée de roman, je crois que c'est penser un roman de vie. Cette dimension fiction que j'avais envie d'explorer. Une autre manière de former, car je trouve qu'en France, on n'est pas des hyper pros dans la formation professionnelle. Au mieux, on informe par des conférences, au pire, on formate par des injonctions à faire, des méthodes à suivre de A à Z, et il y a cette obligation de se glisser dans les chaussons d'un autre, or ces chaussons ne sont jamais la bonne taille. Donc c'est plutôt cet élément qui m'a fait explorer une autre manière de former, comment la mise en récit peut devenir un objet de formation professionnelle, et comment justement cette mise en intrigue peut à la fois faire écho à des tranches de vie personnelle. Et puis en même temps c'est une invitation à se former sans s'en rendre compte. Et ça, la dimension roman, la dimension romanesque, cette dimension de fiction, c'est une mise en intrigue, une mise en haleine, parce que la trame est fictive. Les tâtonnements, les cheminements, les hésitations, les pleurs, les larmes, les rires de Caroline qu'on retrouve dans les quatre romans sont les mêmes tâtonnements, doutes, hésitations, pleurs, larmes, rires des 1500 enseignants avec qui j'ai travaillé et que j'ai rencontré. Donc tout ce que je décris c'est du vécu, c'est de l'expérimenté. Et même la trame fictive, cette trame de mise en intrigue, la fiction n'est pas aussi fictive que ça. C'est-à-dire qu'à un moment... Ça se rapproche de la réalité. Oui, tout ce que je décris c'est du vécu personnel. 

Par contre, ce qui est magique, et peut-être un peu impertinent de ma part, c'est que vous ne pourrez jamais savoir où je suis, dans quel personnage, à quel moment… je suis un peu partout, je suis nulle part. Seules les personnes qui me connaissent très bien vont pouvoir dire « Ah oui, mais là, Caroline, un moment, ou tiens, Julius, ou tiens ». Et c'est peut-être assez jouissif ça aussi. C'est là aussi où j'ai vécu l'écriture de ces romans comme un voyage de moi vers moi, pour mieux le partager avec les autres. Et pour moi, je le dis très clairement, ça a été un testament de vie. Dans ces quatre romans, j'ai posé mon cheminement et mon parcours de vie.  

Et quant à l'utilisation du roman aussi, ça fait écho à la magie des contes. En fait, à mes heures perdues, je conte, dans cette vieille bâtisse qu'on a appelé la Grande Dame – parce qu’il y a une espèce d'âme féminine qui a été valorisée par cette danseuse. On le sent, c'est un endroit de douceur, de calme, de sérénité. Et c'est dans cet espace-là, au rez-de-chaussée... avec la lumière de la chandelle ou du feu de cheminée qui fait reluire un petit peu les pierres apparentes en pierre de lest – ces pierres de lestage qui servaient pour les navires, justement, pour revenir et tenir l'océan. J'y ai recréé des veillées d'antan où je conte et je raconte... sans lumière en soi, puisque là l'image ne fait pas spectacle, je ne me mets pas en scène. Ce que je mets en scène sont les mots, et les gens d'ailleurs peuvent fermer les yeux. Et la richesse du conte qu'on retrouve nulle part ailleurs, c'est que chacun va se raconter sa propre histoire. Je peux raconter la même histoire à un enfant de 7 ans et un enfant de 77 ans, il ne va pas se raconter la même histoire. Et c'est ce que j'ai voulu aussi développer dans le cadre des romans pédagogiques, au-delà du fait que j'évoque parfois des contes. L'esprit conte anime ces romans parce que j'écris comme je conte. C’est un style particulier, mais je ne crois pas que ce soit un style pompeux, c'est raconter pour mieux partager. À l'époque des veillées, les contes étaient l'élément d'enseignement privilégié, jusque tard le soir où là les contes étaient un peu plus grivois et les enfants normalement allaient se coucher – mais je suis persuadé qu'ils écoutaient. Je crois que l’espace pour enseigner était peut-être là.  

J'invite aussi les enseignants à conter pour étoffer le dictionnaire d'images mentales des enfants, à vraiment conter, raconter plutôt que de lire en appui d'une image. Donc voilà, c'est l'esprit qui est animé, ce sont des romans pédagogiques ou contes pédagogiques aussi.  

PJ : Ou contes pédagogiques qui laissent place à l'imaginaire.  

VP : Exactement. 

PJ : Pour conclure, je vous ai demandé de me citer votre livre préféré. Alors vous avez cité « Mille femmes blanches » de Jim Fergus. Pour quelle raison ce choix ? 

VP : C'est un choix qui traduit pour moi l'esprit de ce qu'on évoquait tout à l'heure, c'est-à-dire la place de chacun. Or là, c'est l'histoire de femmes, des déclassées de la société, des hors la norme, entre la prostituée, la femme abandonnée, battue… Et je crois que je suis assez attiré par les hors la norme et les hors la loi. Parce qu'on imagine ces personnes fragiles, et au final elles montrent une force insoupçonnée et insoupçonnable. Donc c'est cet esprit-là qui, je crois, m'a fait rentrer dans ce livre, cette idée là aussi qu'on est tous capables d'oser, de dépasser ses peurs, ses limites, ses préjugés parfois. C'est ce qui anime mon choix de ce livre-là. 

PJ : Et votre citation préférée, Vincent ? 

VP : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous », de Paul Eluard. Je crois que ça fait écho à mon parcours de vie, de rencontres. Faire des rencontres différentes, et se demander un moment : et le hasard dans tout ça, est-ce qu'il y a du hasard ou pas ? Mais je crois que j'ai envie de provoquer aussi le hasard, d’aller au-delà de l'approche critique – parce que j'étais plutôt dans une logique cartésienne – de me dire mais à un moment l'esprit critique que je crois avoir, ce mot-là il est parfois un peu galvaudé parce qu'il est négatif. Donc moi je l'ai transformé plutôt en curiosité et exploration, de l'autre, des moments de vie. Ce qui me fait dire à la vie : plutôt que de se donner des rendez-vous ponctuels, si on se donnait des rendez-vous permanents de curiosité et d'exploration ? 

PJ : merci à vous Vincent pour cet entretien, à la fois impertinent et bienveillant, et merci à nos auditeurs de nous avoir écoutés.  

 

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